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A quelques dizaines de pas de la demeure de Van Beek, Klaus et Marten sont plongés dans leurs réflexions. Laborieuses dans le cas de Marten : encore paumé dans un village isolé au milieu de brumeux marécages. Un village pauvre et oublié des dieux, sans ressources et abandonné par la poiscaille. Le sorcier qui a bouleversé la vie de la communauté est introuvable. Tout autant que les chasseurs de pieuvres des marais lancés à sa poursuite. Le Baron Eldred semble tout aussi hagard, et même effrayé face à l'arrivée en grande pompe du répurgateur tout à l'heure.
Et qui sont ces contrebandiers ? Et cet ermite et son fichu voeu de silence ? Pourquoi Seth semble persuadé que l'ermite des marais est le sorcier ? Qui souhaite-t-il dénoncer à Mathias Krieger pour les cérémonies impies dont il aurait été témoin ? Et que le dévot ne se confie-t-il aux pères Klaus ou Anders ? Il cache quelque chose, c'est sûr. Mais pas chez lui, Marten a retourné sa cahute sans rien trouver de suspect.

Voilà un long moment que Lars est entré pour changé les pansements de Piern Van Beek, flanqué d'Axel. La porte vole soudain en éclats. Axel se rue à l'extérieur, l'air plus mort que vif, talonné par une créature proprement terrifiante. Bardée de tentacules, elle poursuit sa proie à la vitesse de l'éclair, cherchant à le happer de l'une de ses gueules. Klaus s'interpose aussitôt entre ses compagnons et la créature. Marten entonne mentalement une prière à Sigmar avant d'empoigner le katzbalger et la rondache pour rejoindre le prêtre dans la mêlée. Dans un premier temps, ils rendent coup par coup. Mais la créature est vive et ses tentacules innombrables. Une fois, deux fois, elle perce la garde de Marten. Avant que ce dernier n'ait le temps de douter, une flèche file entre les deux compagnons pour venir se ficher profondément dans l'oeil de la larve chaotique.

La bête se recroqueville dans un dernier râle, tandis que Klaus et Marten passent encore leur rage sur elle aux cris de "Sigmar, Sigmar !". Marten se retourne finalement vers Axel, éclatant d'un rire hystérique : "Encore une de ses saloperies ! On va peut-être y voir plus clair maintenant !" Le soldat se rue sur le filou et l'étouffe d'une empoignade aussi virile que maladroite. Combien de fois se sont-ils sauvé la mise ces deux-là ? La silhouette de Lars se profile à la porte de la maison dévastée, et mouche aussi sec l'exultation de Marten. "C'était Piern Van Beek", lui souffle Axel dans un signe de tête vers la créature. Le visage joufflu du prêtre de Morr est pâle comme la mort. Malgré toutes leurs péripéties, jamais Marten n'avait vu son compagnon si marqué par les épreuves, sinon peut-être lorsqu'il luttait contre la variole pourpre.

Une boule de colère se forme au creux du ventre de Marten. Le chaos, le Chaos, le CHAOS ! Cette peste est partout : dans la crasse des villages désespérés, dans le confort des échoppes bourgeoises, dans les dorures de la noblesse dépravée ! Va-t-il finir par tacher aussi la belle de de Lars ? Lui qui ne voit le mal nul part ? Lui qui soulage les âmes en perdition, accompagne les mourants, veille les malades afin qu'ils ne rejoignent pas Morr avant leur heure. Marten aurait bien deux mots à dire Saska Van Ort, la guérisseuse, lorsqu'elle rentrera de sa cueillette dans les marais : que n'a-t-elle rien dit cette bougresse ?